Interview teddy Riner dans le JDD

Interview teddy Riner     Judo |  3 Septembre 2009

Riner, la tête sur les épaules

Vingt et déjà trois fois champion du monde, Teddy Riner ne semble pas mesurer la portée de ses exploits sur les tatamis. Le judoka de Levallois ne pense qu’au plaisir à prendre et à la passion qui l’anime.
 

Teddy, comment avez-vous appréhendé ces Championnats du monde?
Je n’avais pas beaucoup de pression car je m’étais entraîné avec des gars « relous » dans des schémas qui me posent des problèmes et cela m’a conforté. Quand j’ai vu que les autres chutaient et n’avaient pas de médaille, cela a ajouté de la pression. D’ailleurs, pour moi, le plus dur c’est l’attente. Il ne faut pas trop s’évader pour ne pas sortir de sa compétition et ne pas perdre d’énergie. Je vais voir les copains mais je continue à m’entraîner, à courir, à faire des siestes. C’est vrai que le jour J, j’étais pressé…

Justement, comment avez-vous vécu ce tournoi?
C’était un peu bizarre car je suis tombé contre des mecs que je n’avais jamais pris et du coup, je ne savais pas ce qu’ils avaient sous le pied. J’ai commencé par un -100kg (Osnasch) et je savais qu’il fallait descendre sur les cannes et que je reste bien concentré. J’ai bien fait car à un moment donné, il a lancé une attaque et j’ai répondu. Toute la journée, j’ai su rester concentré, lucide et précis.

Concentration et lucidité n’étaient pas vos qualités premières…
Mon judo évolue avec les compétitions. Au début, j’étais jeune et junior, désormais je m’établis, je connais les erreurs à ne pas faire. Dans un quart de finale, il ne faut pas prendre de risque, être intelligent et ne pas tout donner pour ne pas se mettre en danger. Il faut être plus malin que l’adversaire. Contre Padar (en quarts de finale), je savais que le combat se jouerait sur les mains. Dès la fin du combat, j’ai fait appel au kiné pour me masser les bras! Padar comme Bryson attendaient le contre et avec eux, d’habitude, ça passe.

Comment gérez-vous le fait que la concurrence étudie beaucoup votre judo?
Dans ma tête, je sais qu’on me regarde, j’essaye d’y penser le moins possible et d’imposer mon judo, de travailler des nouveautés. J’aime la manière avec laquelle on travaille avec mon entraîneur.
 

« Mon rêve ? Gagner avec la manière« 

Etes-vous satisfait des nouveautés travaillées avant les Mondiaux?
Oui, je suis très content. Ça me conforte de travailler quelque chose et que ça marche. Je me sens de mieux en mieux et si je n’arrive pas à rentrer une technique, j’en passe une autre. J’ai plusieurs cordes à mon arc avec la vitesse, l’agressivité, les attaques et le gabarit.

Qu’est-ce que cela vous fait d’être devenu une référence mondiale?
Je l’assume en travaillant. Je vais partir en vacances mais après je vais revenir et ce sera entraînement et hygiène de vie. J’essaye d’arriver sur chaque compétition au top avec à chaque fois une nouveauté technique.

Quel est votre rêve aujourd’hui?
Gagner des grosses médailles avec la manière, pratiquer le plus beau judo qui puisse exister avec de belles attaques et tout gagner par ippon.

Parmi votre marge de progression, il y avait aussi le newasa (combat au sol). Avez-vous progressé dans ce secteur?
Je progresse. Il n’y a pas si longtemps au sol, je me retournais et c’était fini. Aujourd’hui, c’est rare qu’on puisse me mettre ippon. C’est déjà rare que je laisse travailler. Je ne suis pas comme Jossinet qui mise sur le travail au sol mais si je n’y arrive pas debout, je vais au sol. Au premier tour, j’ai eu une ouverture et j’allais tenter un étranglement mais l’arbitre est intervenu.

Quel type de judo vous inspire?
J’aime le judo droit, uchimata, arai goshi, le judo japonais et notamment Kosei Inoue. Lui, il est relâché, présent et quand il attaque c’est waza ari au minimum ! C’est jouissif quand tu arrives à soulever le point de gravité de l’adversaire. C’est comme marquer un but.

Comment faites-vous pour continuer à progresser alors que vous êtes le numéro 1?
Mais il y a du monde en France. Et de toute façon quand j’en ai marre de mettre les bras contre les gros, je vais voir les légers. Avec eux, ça va vite et je travaille les déplacements. J’aime la diversité, jouer avec les légers et ne pas combattre qu’avec les lourds.

Que représente le fait de posséder trois couronnes mondiales?
Cela représente beaucoup de travail, une passion. Cela prouve que même en étant jeune on peut y arriver, il faut simplement s’en donner les moyens. Plus jeune à l’Insep, je me disais que j’avais le temps et puis j’ai eu un déclic et c’était parti.

C’était quand ce déclic?
Lors de ma défaite contre Mathieu Bataille (finale du championnat de France 2007). Ensuite j’ai fait troisième au tournoi de Paris, de Hambourg et puis champion d’Europe et du monde et c’était parti. Après la défaite contre Mathieu, j’ai travaillé le positionnement des mains avec Stéphane Frémont et ça a été un déclic.
 

« J’aimerais bien être champion de France par équipe« 

Comment avez-vous vécu ces Mondiaux pour l’équipe de France ?
J’étais dégoûté pour les mecs car on est une équipe soudée, il n’y a pas d’embrouille, on rigole, c’est un bon groupe. Je suis déçu car il y a le niveau. Dimitri (Dragin) avec la saison qu’il fait… Je sentais qu’il revenait bien. Darbelet, il a montré qu’il était là, il menait waza ari et yuko et il se relâche quelques secondes et l’adversaire le prend au bon moment. Il n’était pas plus fort.

Avez-vous analysé le combat perdu contre Tangriev lors des Jeux Olympiques?
Je l’ai vu trois ou quatre fois, même récemment et je me suis trouvé ridicule, nul, zéro. Je l’ai repris par la suite, je l’ai bien bougé et à la fin il était mort. C’était ma revanche. Pendant la prolongation, il a montré qu’il était là.

On parle parfois de passer à autre chose. Est-ce que cela vous surprend?
Non, c’est parce que je suis jeune, que je n’ai que 20 ans. Cela prouve que tous les jeunes de mon âge peuvent encore devenir des champions. Si je veux, je peux débuter un autre sport. Mais là, je suis bien, le judo fait partie de ma vie. J’ai encore envie de randoris.

Vous venez de changer officiellement de club en rejoignant Levallois, qu’est-ce que cela va changer?
Je quitte mon entraîneur de toujours Serge Dyot. Mais je m’entraîne souvent à l’Insep donc ça ne va pas beaucoup changer. Je serai avec des mecs que je vois souvent car il y a beaucoup de gens de Levallois à l’Insep. Je vais aussi pouvoir étoffer mon palmarès avec des titres par équipe car là je n’ai que des titres en individuel. J’aimerais bien être champion de France par équipe et avoir le bouclier. Ce n’est pas que le titre, c’est aussi une aventure humaine. 

 

 

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